De bronze et de souffle, nos cœurs. Fragment.
...
"L'homme ne résistait plus.
Le monde pouvait basculer
Il avait accepté que la nuit soit rouge
Il avait accepté de ne plus savoir
quelle serait
la couleur du matin
A l'inconnu
il s'était livré tout entier.
Cette nuit-là fut la seule.
Au matin il avait roulé jusqu'au bord des vagues
Ses pieds dans le sable avaient tracé un étrange dessin
Il a cherché le lieu exact du combat
mais il n'y avait plus que ses empreintes
larges
profondes
celles de chacun de ses pieds
soulevant le sable et la poussière
Avait-il dansé seul en rond ?
On ne sait jamais le lieu où ce qui n'a ni début ni fin
nous empoigne
On sait juste que le combat a eu lieu
Et personne n'en témoigne
Quand il se remit à marcher vers des lieux habités
son corps était léger
Le soleil rasant le traversait
les nuages le traversaient
et la lumière de midi aussi
Plus rien
pour retenir
la peur
en lui
Aucun combat ne pouvait plus le faire fuir
L'homme avait entre ses côtes
un large espace
neuf
pour l'air
neuf."
Jeanne Benameur - Extrait du poème Le lieu exact du combat
De bronze et de souffle, nos cœurs. Textes de Jeanne et gravures de Rémi Polack. Éditions Bruno Doucey, septembre 2014.
(Dans la vie, des passeurs, des passeuses. Souvent on ne les voit pas passer, puis un matin, on trouve sur le rebord de la fenêtre quelque chose comme une offrande.)